Epure Une installation scientifique pour la dissuasion nucléaire
Octobre 2025

Des électrons pour des photons

Un flash de rayons X peut sonder la matière et permettre de réaliser une radiographie éclair. Comment produire ces photons si particuliers et comment créer cette impulsion brève et intense ? Par l’intermédiaire de la production d’électrons.

Les électrons peuvent, en pénétrant dans la matière, y être freinés et convertir une partie de leur énergie en rayonnement X (voir figure 3 de l’article 2c « Source de rayonnement X »). C’est le rayonnement dit de Bremsstrahlung, terme allemand signifiant rayonnement de freinage. Le rayonnement X qui est produit possède les caractéristiques suivantes :

  • son spectre est large et continu de zéro jusqu’à l’énergie des électrons incidents (figure 1) ;
  • son intensité, c’est-à-dire le nombre de photons par unité de temps, est proportionnelle au courant d’électrons ;
  • sa directivité globale est centrée sur la direction incidente du faisceau d’électrons ;
  • la dimension de la source est liée à la zone d’inter­action des électrons avec la matière ;
  • la durée d’émission est égale à la durée du courant d’électrons.

Les besoins des utilisateurs de l’installation Epure portent sur les rayons X ; pour les produire, les caractéristiques de l’impulsion d’électrons sont calculées avec des modélisations numériques d’interaction rayonnement-matière. L’énergie des électrons lors de l’interaction avec la cible (matériau de conversion) doit être supérieure à quelques millions d’électronvolts (quelques MeV), le courant de l’ordre de plusieurs kiloampères et la durée inférieure à un dixième de microseconde (ou 100 ns). Le besoin de disposer d’un flux de rayons X, tel que souhaité, requiert la maîtrise de la bouffée d’électrons. Les électrons sont des particules chargées qui ont l’avantage de pouvoir être accélérées ou déviées par l’action de champs électriques et magnétiques.

Dans cette gamme de performances, deux types de grands instruments de physique sont utilisés : les accélérateurs linéaires à induction et les générateurs de très hautes puissances pulsées. Le principe général consiste toujours à produire un faisceau (les électrons sont arrachés à la matière), à l’accélérer à l’aide de champs électriques intenses, puis à freiner les électrons qui le constituent dans un matériau, dont le numéro atomique est élevé, sur la plus petite zone spatiale possible.

Ces deux types de technologies se différencient par le rapport de l’énergie au courant. L’intensité de rayonnement X produit lors de l’interaction est directement proportionnelle au courant du faisceau d’électrons et dépend quasiment du cube de leur énergie. Ainsi, tandis que les accélérateurs (voir l’article 3b « Les accélérateurs linéaires à induction ») privilégient une montée en énergie (accélération) importante par rapport au nombre d’électrons (20 MeV, 2 kA), les générateurs, eux, vont avantager des courants intenses et des énergies électroniques plus modérées (8 MeV, 200 kA).

Quelle que soit la technologie mise en œuvre, la maîtrise de la dynamique des faisceaux d’électrons au sein de ces grands instruments est cruciale pour leur conception. La dynamique du faisceau est un thème de la physique qui combine notamment l’électromagnétisme, la relativité ainsi que la physique des plasmas. Elle étudie le mouvement d’un ensemble de particules chargées dans une succession de champs électriques et magnétiques.

Focalisons-nous sur ces forces électromagnétiques et les phénomènes collectifs au sein d’un tel ensemble d’électrons. Des champs électriques permettent d’extraire les électrons d’une surface appelée cathode, puis de les accélérer. Les champs magnétiques sont classiquement utilisés pour agir sur la trajectoire des électrons, surtout si ces derniers parcourent des distances importantes. Ces champs sont souvent qualifiés d’externes, ils sont générés de manière maîtrisée par l’opérateur.

Plus délicate est la maîtrise des forces internes au faisceau, provenant d’effets collectifs. Dans ces faisceaux, la densité des électrons et leur vitesse sont telles que des champs électromagnétiques intenses sont produits et interagissent, en retour, sur la densité et les vitesses. Ces champs, qualifiés d’auto-induits, ne peuvent pas être négligés. Ils impactent les trajectoires des électrons sans contrôle externe. À ces phénomènes délicats à contrôler s’ajoutent des instabilités qui viennent complexifier les forces agissant sur les électrons. Leur compréhension fait donc l’objet d’un soin particulier. Elles représentent aujourd’hui l’un des facteurs les plus limitants sur les performances des accélérateurs et des générateurs d’Epure.

C. Vermare CEA - DAM, centre du Cesta

R. Maisonny CEA - DAM, centre de Gramat

Les machines de hautes puissances pulsées

figure 1

Spectre photonique X normalisé pour deux énergies de photons incidents : 10 et 20 MeV. L’axe des ordonnées correspond au nombre de photons multiplié par l’énergie. Les courbes noire et rouge correspondent à un électron incident d’énergie 10 MeV et 20 MeV respectivement.